L’été s’en est allé et voici déjà le dernier volet de mes haïkus sur les fleurs au fil des saisons… Au travers des haïkus d’automne, un certain spleen se dessine : le déclin des longues et belles journées, le froid qui s’immisce, la mort qui rode… On croirait entendre les sanglots longs des violons de l’automne évoqués par Verlaine.
Dans ce tableau peu réjouissant, les fleurs d’automne apportent du réconfort par la douceur de leur parfum ou l’éclat de leurs couleurs, mais les premières gelées ont souvent raison d’elles.
Voici ma sélection de haïkus sur les fleurs d’automne. Des brins de poésie tantôt limpides, tantôt enveloppés d’une brume mystérieuse qui se dissipe à force de relectures.
Haïkus d'automne : ma vendange de mini poèmes fleuris
Sous la brise d'automne
ces fleurs rouges
qu'elle aurait tant aimé arracherKobayashi Issa
Comme des oreilles
les fleurs de canna
se tournent vers la musiqueTagawa Hiryoshi
Orchidée du soir
cachant dans son parfum
le blanc de sa fleurYosa Buson
Pluie d'automne —
les hortensias
se décident pour le bleuMasoka Shiki
Gel flétri
les fleurs des champs encore en fleur
ont l’air déprimé —Matsuo Bashō
Je posai la main sur lui
mais n'en cueillis et passai —
l'hibiscusSugiyama Sampû
Sous les caresses
les amaryllis
deviennent un vent rougeMayuzumi Madoka
De temps à autre
effleurant les volets
bruissent les lespédèzesSesshi
Premier gel
cueillir la dernière rose
une épine au cœurAndré Vézina
Volubilis est le nom vernaculaire de plusieurs espèces de plantes de la famille des Convolvulacées. Dans cette famille, on trouve les belles-de-jour (Convolvulus tricolor, dont les fleurs ne s’ouvrent qu’en journée), les liserons (ma bête noire au jardin !), les ipomées (parmi lesquelles la patate douce). En japonais, l’ipomée se nomme Asagao (朝顔), qu’on traduit littéralement par « visage du matin ». Grimpantes ou rampantes, les Convulvulacées se fraient un chemin dans de nombreux haïkus d’automne :
Le vent d'automne
souffle d'abord
sur les volubilisMiura Chora
Rampant sur le sol
de la maison déserte
un volubilisMasaoka Shiki
La pluie passagère
sèche
sur la fleur de convolvulusMasaoka Shiki
Par-delà le bleu nuit
des volubilis
passent les jours et les moisIshida Hakyô
Je récite les soûtras —
les belles-de-jour
s'épanouissentMorikawa Kyoroku
Exercice au bâton :
je crains
pour les volubilisMiura Chora
Si profonde
cette belle-de-jour
à la couleur d'abîme !Yosa Buson
Sur le tas d'ordures
un volubilis a fleuri —
tardif automneTan Taigi
volubilis
au matin un peu de nuit
dans chaque corolleFrançoise Deniaud-Lelièvre
Il existe pléthore de haïkus sur les chrysanthèmes. En France, cette belle fleur d’automne est souvent associée à la Toussaint, au fleurissement des tombes… Une image peu réjouissante lui colle ainsi « aux pétales ». Au Pays du Soleil Levant, cette fleur est aussi associée aux événements funestes. Mais c’est également une fleur noble, emblème de la famille impériale japonaise, et une fleur bouddhique, offerte lors des cérémonies religieuses. À l’automne, le festival du chrysanthème (Kiku Matsuri) est célébré dans tout le pays. La culture nippone voit dans le chrysanthème un symbole de longévité, de force intérieure. La plante, qui a la capacité de fleurir dans une saison de transition, offre un bel exemple de résilience.
Le sommet ?
chrysanthèmes sauvages
au souffle du vent vif !Hara Sekitei
Au milieu des chrysanthèmes
je caresse mes pommettes
saillantesKakimoto Tae
De tout leur flamboiement
ne reste qu'un tas informe —
chrysanthèmes fanésInahata Teiko
Pour le convalescent
les chrysanthèmes
ont une odeur de froidIwama Otsuni
Rêvant chaque année
aux chrysanthèmes
rêvé par euxMasaoka Shiki
On brûle des chrysanthèmes fanés —
dans les flammes
la couleur des fleursFukami Kenji
Sur la balustrade
montent les ombres
des chrysanthèmesMorikawa Kyoroku
Devant les chrysanthèmes
ma vie
fait silenceMizuhara Shûôshi
Visite hebdomadaire
les pétales des chrysanthèmes
pleuvent sur son silenceJoëlle Ginoux Duvivier
Le chrysanthème blanc semble occuper une place particulière dans le cœur des Japonais, si l’en s’en réfère aux nombreux haïkus qui célèbrent sa pureté. Les deux derniers haïkus d’automne listés ci-dessous sont deux traductions d’un même poème de Kosugi Issshô. Ils illustrent bien le rôle primordial du traducteur.
Le chrysanthème blanc —
pas la moindre impureté
à la rencontre de l'œilMatsuo Bashō
Ils cambrent leurs pétales
de blancheur —
les chrysanthèmes de lune !Sugita Hisajo
Chrysanthèmes blancs —
autour d'eux maintenant
tout est grâce et beautéMiura Chora
Devant le chrysanthème blanc
les ciseaux un instant
hésitentYosa Buson
Toutes choses contemplées
mes yeux revinrent
aux chrysanthèmes blancsKosugi Isshô
Mes yeux
qui ont tout épuisé
reviennent au chrysanthème blancKosugi Isshô
La plupart des haïkus présentés dans mes quatre florilèges sont issus des anthologies suivantes :
- Haiku du XXe siècle : Le poème court japonais d’aujourd’hui – Corinne Atlan et Zéno Bianu – Gallimard
- Haïku : Anthologie du poème court japonais – Corinne Atlan et Zéno Bianu – Gallimard
- Haïkus : Anthologie – Roger Munier – Points
D'autres haïkus sur les fleurs au fil des saisons :
Haïkus sur les fleurs d’été
Haïkus sur les fleurs de printemps
Haïkus sur les fleurs d’hiver
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