Il se présente comme « Le plus beau parc printanier du monde » et a même fait de cette affirmation son slogan. Est-ce pleinement justifié ou un peu présomptueux ? Chacun reste libre d’en juger, bien sûr. Je vous partage mon arbitrage personnel en conclusion de cet article, dédié à mon expérience de visite du parc de Keukenhof, aux Pays-Bas. Avant cela, je vous livre mes impressions, mes motifs de satisfaction mais aussi mes quelques réserves. Le tout illustré de nombreuses photos, car à Keukenhof plus encore qu’ailleurs, une image vaut mille mots !
Aux origines d'un rêve...
Ce fameux parc floral néerlandais, je rêvais de le visiter depuis longtemps. J’ai appris son existence par hasard, au gré de recherches d’illustrations sur une banque de photos libres de droit, à l’époque, me semble-t-il, où j’étais encore étudiante. C’est la photo ci-dessous qui m’a subjuguée au premier regard. Je n’avais jamais vu une telle densité de fleurs. Impossible à l’époque de craindre qu’il ne s’agisse que d’une pure invention de l’intelligence artificielle… Sur un catalogue de jardinerie, j’aurais quand même soupçonné le trucage photo, tant cette « rivière de fleurs » me paraît invraisemblable, aujourd’hui encore. Depuis ce temps, j’ai fréquemment appliqué cette image en fond d’écran de mon ordinateur. C’est certainement la photo que j’ai passé le plus de temps à contempler ! Cette étendue de fleurs de printemps, avec son magnifique contraste chromatique, m’attire tel un aimant. J’ai appris alors qu’il s’agissait du parc de Keukenhof, à Lisse, en Hollande-Méridionale.
Ce lieu est toujours resté dans un coin de ma tête comme un de ces endroits « à visiter avant de mourir ». L’envie fut d’autant plus prégnante ces dernières années, avec la création de ce blog dédié aux fleurs… Et fin avril 2025, c’est mon mari qui m’a permis de réaliser ce rêve, en me faisant l’immense plaisir de m’y emmener, à l’occasion d’un séjour surprise. Nous séjournions quelques jours à Anvers, au nord de la Belgique, lorsque j’ai appris que nous allions prendre la route en direction de Lisse. Voilà pour le contexte !
Découverte du parc de Keukenhof
Nous avons eu le privilège de découvrir Keukenhof par une magnifique journée de printemps. Grand soleil, peu de vent, température très douce (parole de frileuse) : on aurait pu espérer un meilleur temps. C’est un sacré coup de chance, puisque mon mari avait réservé nos billets plusieurs semaines en amont, donc sans la moindre prévision météo à laquelle se rattacher.
L’accès au parc nécessite une bonne dose de patiente et offre un premier aperçu de l’affluence des lieux. Beaucoup de bouchons dans Lisse ; je plains les locaux qui empruntent ces routes quotidiennement. Heureusement pour eux, le parc n’est ouvert que quelques semaines dans l’année ! Et c’est ce qui explique d’ailleurs la concentration touristique. Keukenhof étant entièrement dédié aux bulbes à floraison printanière, on ne peut le visiter que de la mi-mars à la mi-mai environ.
Il est important d’anticiper les ralentissements, comme indiqué sur le billet de réservation, en vue de respecter le créneau d’arrivée (par tranche de demi-heure) choisi lors de la réservation.
Nous avons atteint l’entrée du parc peu avant 11h. À ma grande surprise, ce sont deux hommes d’âge mûr, souriants et distingués, qui contrôlaient les billets. Ils avaient la prestance de lords anglais ! J’aime à croire que nous avons été accueillis par des membres historiques de Keukenhof ; c’est plus chouette que d’imaginer que ce sont peut-être deux saisonniers précaires qui n’ont toujours pas pu prendre leur retraite…
À l’entrée, une carriole bien garnie permet de récupérer un plan des lieux. Ce n’est pas superflu, tant le parc est immense. Il n’y a pas de sens de visite à suivre, on déambule librement. Par bonheur, moi qui n’ai aucun sens de l’orientation, j’ai pu me reposer sur celui bien affuté de mon mari, qui rayait au fur et à mesure sur la carte les allées que nous avions déjà parcourues. Sans cela, je pense qu’on aurait raté beaucoup de choses. Nous sommes restés 7 heures sur place. Il fallait bien cela pour faire le tour des lieux sans trop se presser. D’après le site de Keukenhof, la durée moyenne de visite est de 3 heures. Cela me semble compliqué de profiter pleinement du jardin sur une si courte durée. Les néerlandais, habitués du parc, font-ils baisser cette moyenne ? À moins que ce soit les voyagistes qui organisent des visites express, au sein d’un programme bien chargé ? Ou celles et ceux qui viennent surtout pour faire des photos d’eux-mêmes dans un magnifique décor ?
Ce qui nous a frappés dès les premières minutes de visite, c’est l’affluence du parc. On remarque des visiteurs du monde entier. On est un peu au « Disneyland des fleurs ». C’est amusant d’entendre des bribes de conservation dans des langues si variées, tout au long de la journée.
Nous avons passé bien sûr l’essentiel de notre visite à déambuler dans les allées pour admirer les innombrables parterres de tulipes, muscaris, narcisses et autres bulbes printaniers. On en prend plein les mirettes.
Cliquez sur une image pour l’agrandir. Toutes les photos de cet article (excepté celle ci-dessus) sont de moi. Merci de ne pas les réutiliser sans créditer le site.
Nous n’avons pas testé la promenade en bateau qui permet d’approcher les champs de tulipes environnants. En revanche, nous nous sommes prêtés au jeu de monter sur le moulin, de parcourir le labyrinthe (très basique, sans grand intérêt) ou encore de « marcher sur l’eau » (de jolies plateformes rondes tout juste à la surface d’une étendue d’eau).
Les pavillons offrent à voir de belles compositions florales, des milliers d’orchidées, des arches fleuries… Ces espaces couverts doivent être particulièrement appréciés les jours de mauvais temps.
L’orgue de barbarie près de l’entrée ne manque pas de charme non plus, mais casse un peu les oreilles quand on se trouve à proximité. Je plains les employés de la boutique la plus proche ! Grand parc touristique oblige, les boutiques, ce n’est pas ce qui manque. Les mugs, stylos, porte-clés et autres articles estampillés Keukenhof n’étaient pas tous à mon goût, mais en passionnée de fleurs, j’ai eu plaisir à flâner dans les différents espaces de vente. Je m’attendais à voir beaucoup plus de graines de fleurs et bulbes de tulipes à vendre. Au final, je n’en ai remarqué qu’à la sortie.
Le coin exposition dédié aux 75 ans du parc (célébrés en 2024) est intéressant aussi. On y découvre l’histoire de Keukenhof. J’ai bien aimé voir l’évolution des affiches promotionnelles et m’arrêter devant les vidéos qui donnent à voir le travail de plantation des bulbes des jardiniers. Quel coup de main ! On serait bien restés plus longtemps dans cet espace, mais le monde, le brouhaha ambiant ajouté à celui du concert joué au moment de notre passage donnait plutôt envie de fuir vers un lieu plus calme.
Ce que j'ai grandement apprécié dans ce parc de fleurs
Un parc de fleurs époustouflant
Plus grand parc floral du monde avec sa superficie de 32 hectares, Keukenhof est absolument remarquable. C’est une véritable prouesse horticole et nous avons été bluffés d’apprendre que l’agencement, les sculptures florales, sont renouvelés chaque année. Une telle explosion de couleurs, une telle densité de fleurs, c’est tout bonnement incroyable. Les arbres sont très beaux aussi, les pelouses impeccables. C’est un travail d’orfèvre. On ne remarque quasiment aucune fleur fanée, tant les jardiniers veillent au grain. Les équipes de nettoyage aussi, car les allées sont très propres.
J’espérais découvrir davantage de mosaïques florales, mais du reste, je n’ai pas du tout été déçue par la floraison du parc. La profusion de fleurs fut bien supérieure à ce que j’avais imaginé et chaque parterre est unique. À aucun moment je n’ai eu le sentiment d’une visite monotone.
Dans la galerie photo suivante, j’ai réuni des tulipes de formes et de couleurs très variées pour tenter de vous offrir un aperçu de l’immense diversité des cultivars. L’éventail est tel qu’on peine parfois à croire que toutes ces fleurs appartiennent au même genre ! Difficile en effet de trouver des points communs entre l’inflorescence de tulipes à fleurs simples, en forme de coupe, et celle de tulipes dentelées à fleurs doubles. Certains cultivars ont des airs de crocus géants ou de zinnias. D’autres ressemblent un peu à des renoncules ou grandement à des pivoines…
Une identification aisée des plantes
J’ai trouvé aussi que la signalétique botanique était bien pensée. Les plaques d’identification des cultivars sont à la fois suffisamment sobres et discrètes pour bien s’intégrer dans le décor, et suffisamment visibles pour une lecture aisée. Dans d’autres jardins, il faut parfois s’accroupir et bien chercher pour relever ce genre d’information.
L’espace Historical Garden, nous permet de découvrir autrement les bulbeuses de printemps, en nous offrant un aperçu de 400 ans de culture de la tulipe en Hollande. Une parcelle est dédiée aux tulipes « historiques », une présente les variétés modernes, une autre encore est consacrée aux nouvelles espèces, etc.
Un très bon accueil des visiteurs
À l’approche du parking de Keukenhof, la circulation est orchestrée par un grand nombre de personnes, comme aux abords d’un grand stade un soir de match de foot (d’après ma faible expérience en la matière !). On se sent vraiment bien guidés par l’équipe du parc. Si l’accès au parking voiture n’est guère rapide, on ne perd pas de temps en revanche à chercher une place une fois qu’on y est. On se range en épi à l’endroit qui nous est indiqué, en toute simplicité. Le soir, au moment de quitter le parking, un employé nous a gentiment salué en français, eu égard à notre plaque minéralogique. Le genre de petite attention sympathique.
L’entrée à pied dans le parc m’a semblé très fluide aussi, sans pouvoir garantir pour autant que c’est toujours le cas. À notre arrivée, deux personnes seulement contrôlaient les billets, mais nous n’avons pas du tout eu besoin d’attendre pour présenter les nôtres.
Nous avons croisé beaucoup de personnes à mobilité réduite et avons apprécié de trouver le parc bien adapté pour une circulation en fauteuil roulant. C’est loin d’être le cas dans tous les jardins.
Enfin, même si le parc est très fréquenté (plus de 1,4 million de visiteurs de mars à mai 2024, selon le site officiel de Keukenhof), l’affluence est bien gérée. Malgré la foule, on circule aisément dans le parc, sans se marcher dessus. Dans l’immensité du jardin, on peut toujours trouver un recoin tranquille lorsqu’on souhaite bénéficier d’un moment de calme. Il nous a fallu patienter un peu pour accéder au moulin, mais guère plus que pour nous acheter à manger ou nous rendre aux toilettes. Aux caisses des (nombreux) magasins aussi, les passages en caisse s’enchaînent à un bon rythme. C’est sans commune mesure avec mon lointain souvenir des fils d’attente du parc de Mickey. Seule ombre au tableau, nous n’avons trouvé aucune chaise disponible pour déjeuner. Nos lourds plateaux ne nous permettant pas vraiment de nous éloigner de l’espace restauration pour chercher un coin d’herbe de repli, on a mangé debout, rapidement. Avec plusieurs heures (et jours, même) de piétinement, on aurait espéré une pause déjeuner plus reposante. Le parc devrait peut-être revoir à la hausse le nombre de chaises.
Mes quelques réserves concernant ce parc hollandais
La foule !
Même si j’ai indiqué précédemment avoir trouvé l’affluence du parc bien gérée par son personnel, il n’en demeure pas moins que la foule nuit un peu à l’expérience de visite, à mon sens. Mon conjoint et moi, qui visitons souvent des jardins durant nos vacances, apprécions particulièrement la quiétude de ces lieux. On ne s’était pas préparé à croiser autant de monde que dans un parc d’attractions ou que dans un centre commercial un jour de soldes ! Les personnes qui ont comme nous un goût très modéré pour les lieux à forte affluence ont tout intérêt, d’après moi, à concentrer l’essentiel de leur visite sur les dernières heures de la journée. Nous avons dû partir peu avant 18h car un assez long trajet nous attendait pour regagner la Belgique, mais dès 16h, l’affluence était déjà bien moindre. Sur la dernière heure d’ouverture (le parc ferme à 19h), je pense que l’expérience de visite est particulièrement agréable, d’autant que la lumière du soleil est beaucoup plus douce. C’est le moment idéal pour les photos.
Lors de notre visite, une Hollandaise (qui m’a confondue avec quelqu’un qu’elle connaissait, puis qui s’est mise à nous faire la conversation en anglais) nous a appris que le parc a mis en place des quotas de visiteurs quotidiens depuis quelques années. Ouf ! Qu’est-ce que ce serait sans ce plafond !
Selon le site web de Keukenhof, le parc est plus calme avant 10h30 et après 16h00. Les lundis, mardis et mercredis sont généralement les jours les moins fréquentés (nous y étions un mardi). Si vous supportez mal la foule, évitez autant que possible les weekends et jours fériés, bien sûr, de même que la période autour du Corso Fleurit de la Bollenstreek, parade florale qui attire des milliers de visiteurs.
Le paradis du selfie
À l’image de tout lieu hautement touristique, le parc de Keukenhof n’échappe pas aux selfies intempestifs. D’après mon expérience, les jardins sont généralement assez peu concernés par le phénomène. Mais à Keukenhof, nombreux sont les représentants de la génération Z (et pas que), à se prendre en photo à tout bout de champ. Mon mari et moi trouvons ce spectacle mi-amusant, mi-agaçant. J’espère que cela ne fait pas de nous des trentenaires aigris avant l’heure !
Je comprends parfaitement l’envie des visiteurs d’immortaliser leur visite de Keukenhof et de figurer sur quelques-uns de leurs clichés. Je suis même très mal placée pour juger la fréquence d’utilisation de leur téléphone, moi qui ai pris près de 300 photos ce jour-là ! Cependant, un jardin est à mon sens un espace à mille lieues de la superficialité, et j’ai beaucoup de mal avec toute cette mise en scène de soi façon Instagram… Certains visiteurs m’ont paru tellement obnubilés par les autoportraits, que je me demande s’ils ont vraiment pris le temps d’observer les fleurs. Cela me rend assez mal à l’aise de voir des trépieds utilisés juste à des fins de selfie, des jeunes femmes qui adoptent mille et une poses en robe de gala, des gens qui se filment en contre-plongée en train de marcher… Ce spectacle a tendance à me couper de ce que je suis viens chercher dans un jardin : du calme, de la déconnexion, de l’authenticité. De la simplicité, aussi.
Un parc multicolore... mais pas très vert ?
Les jardins touristiques sont généralement entretenus par des amoureux de la nature. Et cette passion va souvent de pair avec une volonté de la préserver… Lorsque je visite un jardin ou autre parc fleuri, je repère aisément des témoignages en « paroles » (panneaux informatifs, vidéos, labels, etc.) et en actes (maintien de zones pour la végétation spontanée, hôtels à insectes, paillage, compost…) au sujet d’une gestion écologique des lieux. Qu’en est-il de la démarche environnementale du parc de Keukenhof ? Peut-être suis-je juste passé à côté des informations portant sur ce sujet durant ma visite ? Je l’espère. Cela dit, je ne trouve pas plus d’éléments en consultant a posteriori le site web du parc. En poussant plus loin les recherches, je tombe sur le site d’un voyagiste hollandais qui met en avant l’engagement de Keukenhof en faveur de la biodiversité. L’article évoque aussi des systèmes d’irrigation innovants, l’usage de panneaux solaires et un objectif ambitieux de neutralité carbone [source]. Cela manque tout de même de renvois vers des preuves tangibles. Dans le même temps, je suis tombée sur un article de Libé qui souligne la controverse portant sur les quantités monstrueuses de pesticides déversés dans les champs de tulipes des Pays-Bas… [source].
Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est l’absence d’insectes. Que ce soit à la vue ou à l’ouïe, je n’en ai guère détecté. De toute ma visite, il me semble n’avoir repéré qu’une seule abeille, immortalisée sur la photo suivante. Peut-être que la beauté des fleurs et le brouhaha ambiant m’ont détournée des pollinisateurs, mais comme j’aime les observer quand je fréquente un jardin, je m’étonne tout de même de n’avoir pas remarqué leur présence. Certes, la tulipe n’est pas une fleur appréciée des butineurs, étant donné que son nectar, caché entre les loges de son ovaire, est inaccessible. En revanche, d’après mes recherches, les muscaris et les narcisses (omniprésents dans le parc, eux aussi) sont des fleurs mellifères.
De même, il ne semble pas qu’il y ait beaucoup de vie dans ou à la surface des différentes étendues d’eau brunâtres et opaques du parc.
Enfin, même si je comprends bien l’importance de renouveler régulièrement les fleurs des mosaïques pour maintenir l’esthétique de l’ensemble, j’ai été surprise et assez déçue de voir jonquilles encore fraîches jetées à la poubelle. Ne pourrait-elle pas au moins être offertes ou revendues en tant que fleurs coupées ?
Ma conclusion sur la visite du parc de Keukenhof
En somme, je trouve que Keukenhof mérite pleinement son slogan et sa réputation de plus beau parc printanier du monde. Il n’existe pas d’équivalent en termes de superficie, et je doute qu’il en existe un en matière de rendu. Le travail mené par les centaines de saisonniers et les dizaines de permanents est extraordinaire.
Ma visite du parc de Keukenhof fut plus belle encore que je l’avais imaginée, puisqu’il est difficile de se figurer une telle profusion de fleurs. Il faut le voir pour le croire !
Si j’ai la chance d’y retourner un jour, j’aimerais y trouver un peu moins de monde, idéalement, et nettement plus de biodiversité.
J’espère de tout cœur que la Hollande, en tant que plus gros producteur et exportateur mondial de fleurs, amorcera bientôt – enfin – un grand virage écologique. Si les membres de l’Union européenne ne se montrent pas ambitieux et exemplaires sur le sujet des pesticides, qui le sera ?